Nouvelle-Orléans, une ville unique

À la fin du XIXe siècle, la Nouvelle-Orléans est un carrefour culturel où coexistent des populations d’origines diverses : Français, Espagnols, Africains, Créoles et Anglo-Américains. La ville est marquée par une tradition musicale déjà bien ancrée, mêlant les fanfares militaires européennes, la musique de danse caribéenne, les chants de travail afro-américains et les hymnes religieux.

Le quartier de Storyville, bien que souvent mythifié, joue un rôle central dans le développement du jazz. Officiellement créé en 1897 comme district réservé aux maisons closes et aux bars, il devient rapidement un vivier d’expérimentations musicales. C’est ici que de nombreux musiciens trouvent un terrain propice à l’innovation.

L’influence des brass bands et du ragtime

Les brass bands, formations de cuivres jouant lors des parades, des enterrements et des événements festifs, constituent une des sources majeures du futur jazz. En parallèle, le ragtime, popularisé par des compositeurs comme Scott Joplin, influence profondément les musiciens new-orléanais en introduisant des rythmes syncopés et une approche mélodique distinctive.

Le Jazz New Orleans est né à la Nouvelle-Orleans en Louisiane dans le sud des Etats-Unis. C’est un courant qui a débuté vers 1910 avant d’émigrer vers Chicago avec leurs représentants illustres tels que Louis Armstrong, Sidney Bechet, Jelly Roll Morton ou encore King Oliver.

Issue directement du ragtime et du blues, le New Orleans est une musique se jouant dans la rue avec des fanfares. Les cuivres (trompette, trombone, tuba…) constituent le noyau principal de ce style entouré aussi de percussions ou d’un banjo.

Le trompettiste Louis Armstrong

Les figures marquantes du style New Orleans naissant

• Buddy Bolden (1877-1931) : souvent considéré comme le premier grand musicien de jazz, ce cornettiste créole développe un style puissant et expressif. Son groupe est réputé pour sa capacité à fusionner blues, ragtime et improvisation collective.

• Jelly Roll Morton (1890-1941) : pianiste et compositeur, il se proclame lui-même « inventeur du jazz ». Son œuvre montre une approche raffinée de la composition, intégrant des influences latino-américaines.

• King Oliver (1881-1938) : trompettiste et mentor de Louis Armstrong, il dirige le Creole Jazz Band, une formation influente dans les années 1910 et 1920.

• Louis Armstrong (1901-1971) : bien qu’il émerge dans les années 1920, son apprentissage à la Nouvelle-Orléans en fait un héritier direct des premières générations de jazzmen.

Avec l’essor de l’industrie du disque, le jazz de la Nouvelle-Orléans gagne en visibilité. L’enregistrement de l’ODJB en 1917, suivi de ceux de King Oliver et Jelly Roll Morton, marque une étape décisive dans la diffusion du genre. Cependant, la ségrégation limite la reconnaissance des musiciens afro-américains dans l’industrie musicale naissante.

L’orchestre de Buddy Bolden

L’exode des musiciens et la propagation du jazz

Dans les années 1910-1920, de nombreux musiciens quittent la Nouvelle-Orléans pour s’installer à Chicago, puis à New York, où le jazz évolue et se structure davantage. La fermeture de Storyville en 1917 contribue à cet exode. Chicago devient alors la nouvelle capitale du jazz, avec des figures comme Louis Armstrong développant le style du jazz hot.

L’influence du jazz new-orleansien sur les styles ultérieurs

Le jazz de la Nouvelle-Orléans pose les bases de nombreuses évolutions musicales. Le swing, qui domine les années 1930, s’appuie sur les structures du jazz early. Plus tard, le bebop des années 1940 et même le free jazz des années 1960 conservent certains éléments fondamentaux du style new-orleansien, notamment l’improvisation et l’interaction collective entre musiciens.

Le jazz de la Nouvelle-Orléans est bien plus qu’un simple courant musical : il représente une révolution sonore qui a redéfini la manière de concevoir et d’interpréter la musique. L’Histoire du jazz New Orleans est ancrée dans une ville unique, son brassage d’influences et son esprit d’innovation en font un mouvement fondateur dont l’héritage continue de résonner aujourd’hui. Si la Nouvelle-Orléans n’est plus le centre du jazz mondial, son influence perdure à travers les nombreuses formations qui perpétuent le style traditionnel et à travers l’histoire des grands noms qui en ont marqué l’essor.